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Zāmyād

Marie Ythier2015
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For Cello and Electronics
9'30" | 2015 | Commissioned by Marie Ythier

SCORE PREVIEW

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Instrumentation
Cello and Electronics

Duration
9 minutes 30 seconds


Commissioned by
Marie Ythier


Dedicated to

Marie Ythier

Date and place of composition
Spring 2015, Banff, Paris, Tehran

Premiere
October, 2015, Strasbourg, France 
Festival Exhibitronic
Marie Ythier (cello)

Computer Music Designer
Alireza Farhang

Technical details
Stereophonic


Publisher
Impronta

Press
Resmusica •Libération •Musikzen •Musicologie.org

L’éducation Musicale Grey Panthers Diapason


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Note

Note

In the series of compositions entitled Ictus Vocis, from which this piece is taken, the composer’s primary preoc- cupation is the semantic dimension of the gesture. This piece attempts to re-establish new perspectives and new listening conditions in order to shatter the pre established semantic ties of the gestures and to be able to reorganise it according to his aesthetic criteria.
When it comes to a solo instrument, the performer’s presence takes on an even more important dimension, and the listening is directly influenced by his or her virtuosic gestures. As for this piece, the character of the cello, its rich sonority as well as its capacity to produce micro-fluctuations in a controlled manner, in turn condition the approaches that the composer adopts for writing the piece.
On the other hand, the new technology makes easy the analysis and modelling work necessary for the composition of the piece, as well as for the synthesis and treat- ment of sound. Thus, the electronic sound, realised by the composer, evokes a universe that interacts organically with the sound of the instrument.
The composer then conditions intonation and expressiveness, two determining aspects of the interpretation.




Le cycle Ictus vocis réunit des pièces de musique de chambre et des pièces solistes, avec et sans électronique, où la corrélation entre timbre, geste et mélodie est l’axe principal de la composition. Zāmyād pour violoncelle et électronique s’inscrit dans ce cadre. L’idée d’écrire une pièce pour violoncelle et électronique s’est présentée suite à lacomposition de mon troisième quatuor à corde Tak-Sīm (2012) au sein duquel une cadence pour violoncelle solo réunit la subtilité des gestes micro-tonals et la forceexpressive de l’instrument violoncelle, soutenue par les sons électroniques. En 2014, j’ai rencontré la violoncelliste Marie Ythier. Sa passion pour la musique et sa grande capacité musicale m’ont immédiatement impressionné. À la suite de cette rencontre, et après avoir écouté mon quatuor à cordes, la violoncelliste m’a commandé une nouvelle pièce pour violoncelle et électronique qui figure dans son CD, Le geste augmenté. Dans la composition de Zāmyād, la virtuosité et le contenu expressif du geste provenant d’une part de la musique traditionnelle persane, et d’autre part des cycles rythmiques de la musique indienne, sont primordiaux. L’usage des harmoniques naturelles dans le registre aigu, les ornements, les pizzicati harmoniques, les pizzicati zingués et les gestes mélodiques qui reposent sur la dextérité de la main gauche, la combinaison simultanée de pizzicato de la main gauche et le jeu d’archet, les bariolages rapides des harmoniques aiguës, et l’univers riche de la microtonalité et de la micromodalité, sont tous soutenus par le discours de la partie électronique. Ce dialogue de timbres et de mélodies n’aurait été concevable que par le bias de sons de synthèse, minutieusement composés à partir de la modélisation de la morphologie de gestes. En Perse antique Zāmyād représente la divinité de la terre.


NOTE D'INTENTION 2

Pour rédiger cette note, j’ai choisi d’utiliser un langage simple, métaphorique et accessible pour raconter une histoire, offrant des clés d’écoute afin que les collégiens et les lycéens puissent se repérer et s’immerger dans le déroulement de l’œuvre.

Présentation de l’œuvre

Cette œuvre met en dialogue le violoncelle et les sons électroniques, incarnant à la fois intuition et rationalité grâce à ses motifs rythmiques répétitifs et organiques, enrichis de mélodies modales et ornées. Cette organicité se manifeste également dans l’interaction entre l’instrument et l’électronique, comme l’a souligné Pierre Rigaudière dans son article pour le magazine Diapason en février 2016. La corrélation entre timbre, geste et mélodie est donc l’axe principal de la composition.

Dans la composition de cette pièce, la virtuosité et le contenu expressif du geste provenant d’une part de la musique traditionnelle persane, et d’autre part des cycles rythmiques de la musique indienne, sont primordiaux. L’usage des harmoniques naturelles dans le registre aigu, les ornements, les pizzicati harmoniques, les pizzicati zingués et les gestes mélodiques qui reposent sur la dextérité de la main gauche, la combinaison simultanée de pizzicato de la main gauche et le jeu d’archet, les bariolages rapides des harmoniques aiguës, et l’univers riche de la microtonalité et de la micromodalité, sont tous soutenus par le discours de la partie électronique. Ce dialogue de timbres et de mélodies n’aurait été concevable que par le bias de sons de synthèse, minutieusement composés à partir de la modélisation de la morphologie de gestes.

L’espace, l’architecture et l’élévation jouent également un rôle important dans la conception de la structure de la pièce.

L’œuvre se veut donc une conjugaison de plusieurs héritages, traçant un chemin entre la mystique de l’art persan et indien, et la rationalité de la musique occidentale. Elle puise dans les traditions tout en s'ouvrant aux nouvelles technologies.

En Perse antique, le titre de l’œuvre représente la divinité de la terre.

Violoncelle

Le violoncelle est un instrument à cordes. Le son qu'il produit résulte de la vibration de ses quatre cordes tendues, amplifié par le corps de l’instrument, appelé caisse de résonance ou table d’harmonie. Le violoncelle est le deuxième plus grand instrument de la famille des cordes, après la contrebasse. Il a deux frères plus petits : l’alto et le violon, qui produisent des sons plus aigus. Par conséquent, le son du violoncelle est relativement grave et ses cordes sont assez longues.

En général, il existe deux manières de jouer du violoncelle : en frottant un archet sur les cordes, ou en pinçant les cordes avec les doigts. Dans l’œuvre qui fait l’objet de cette note, nous présenterons également d’autres méthodes atypiques pour jouer de cet instrument.

Électronique

Dans cette œuvre mixte*, les sons électroniques sont créés par le compositeur à l’aide de l’ordinateur. En effet, pour cette pièce, les sons sont conçus en fonction de ce que l’instrumentiste joue. Ils doivent donc être organisés en harmonie avec le violoncelle, l'objectif étant de créer un dialogue entre l’instrument et l’électronique. C’est exactement comme un soliste jouant un concerto où il dialogue avec l’orchestre. Il y a ainsi une sorte de question-réponse, une résonance, une extension de l’instrument. Parfois, c’est l’instrument qui suit l’électronique, et parfois, c’est l’électronique qui fait écho à l’instrument.

Lors du concert, les sons électroniques proviennent de deux haut-parleurs situés sur la scène, près de l’instrumentiste.

LA PREMIÈRE ÉCOUTE

Avant de parler de la pièce, je recommande qu’elle soit écoutée les yeux fermés, et si possible dans un espace sombre. Chacun est libre de se laisser porter par son imagination et par les images que la musique suscite. Ainsi, chacun fait une expérience d’écoute unique et personnelle.

Quelques conseils pour apprécier l'écoute :

  1. Prenez un papier et un stylo et essayez d’imaginer l’histoire que la pièce raconte. Décrivez cette expérience.

  2. Suivez le dialogue entre le son du violoncelle et celui de l’électronique.

  3. Faites attention aux moments où le discours musical marque un tournant important.

  4. Essayez d’imaginer l’interprète en train de jouer la pièce tout en interagissant avec le son de l’électronique qu’elle entend des haut-parleurs.

  5. Imaginez-vous dans la salle de concert avec l’interprète sur scène, suivez ses mouvements, ses gestes, ses coups d’archet, et ses doigts qui pincent les cordes.

  6. Essayez d’identifier des lignes mélodiques et suivez le parcours de chacune.

  7. Faites attention aux changements d’énergie et de vitesse des gestes.

Collaboration compositeur-interprète

La composition d’une œuvre oscille toujours entre l’abstrait et le concret, le fantasme et le réel. Un compositeur doit faire preuve d’habileté et de virtuosité d’écriture, lui permettant de créer une œuvre entière à partir d’éléments simples et parfois abstraits. Explorer des univers inconnus est essentiel pour nourrir l’imagination d’un compositeur. Cependant, il est crucial de rester ancré dans la réalité, car une idée musicale, aussi géniale soit-elle, ne peut pas rester un simple concept : elle doit être réalisable par l’interprète. Après tout, c’est l’interprète qui donne vie à une partition, sachant qu’une partition représente la musique, mais n’est pas la musique elle-même. La collaboration avec l’interprète permet au compositeur de créer une œuvre réalisable et cohérente, basée sur des techniques exécutables sur l’instrument.

Processus de composition I

Avant de commencer la composition de l’œuvre, j’ai discuté avec l’interprète à plusieurs reprises. Nous avons échangé sur nos lectures, nos musiques préférées, et notamment nos origines extra-européennes. Le film Le Salon de Musique de Satyajit Ray, ainsi que le jeu d’Ahmad Ebādi*, le joueur de setar, nous ont beaucoup inspirés.

En mars 2015, j’ai fait une résidence au Canada, où j'ai participé à plusieurs ateliers autour des musiques du monde, notamment celles de l’Inde, de l’Iran, de la Turquie, de la Syrie et du Liban. Cette résidence m’a permis d’étudier avec des maîtres de la musique indienne, comme Dhruba Ghosh et Yogesh Samsi. Ce dernier, grand maître de tabla, a démontré une dextérité exceptionnelle, créant des rythmes complexes avec une aisance et une intuition remarquables. Dans la musique indienne, les rythmes cycliques, répétitifs et superposés peuvent atteindre une grande complexité tout en conservant leur caractère ressenti. Yogesh Samsi m’a profondément inspiré et convaincu de l’importance d’incorporer des gestes rythmiques concrets, et non seulement théoriques, dans mes compositions.

Malgré le caractère ressenti de sa musique, il m’était parfois impossible de décortiquer ses rythmes et de les transcrire sur papier. Pourtant, à l’oreille et à la vue, l’exécution de ses gestes semblait si naturelle, née d’une pulsion charnelle plutôt que d’un calcul purement mental et théorique. Lorsque Yogesh jouait, tout son corps était engagé. J’ai malgré tout réussi à transcrire quelques passages pour les utiliser dans mes compositions, mais ce qui m’a le plus inspiré était son attitude spontanée envers la musique.

J’ai décidé de baser cette nouvelle pièce sur des figures rythmiques ressenties et simples à décortiquer. Avec l’interprète, nous avons discuté de la tradition musicale perse. Mon modèle, mon idole, ma muse était Ahmad Ebādi Ce qui m’intéressait dans son jeu était sa capacité à embellir sa musique avec de petits gestes mélodiques et à créer des couleurs intéressantes en variant ses coups de plectre et les mouvements de sa main gauche.

La musique d’Ebādi est très ornée ; chaque note est entourée de mélodies ornementales subtiles qui prolongent et colorent les motifs. La mélodie ne figure pas donc de manière brute. Pour construire la structure de cette œuvre, j’ai décidé de m’inspirer des cycles rythmiques de la musique indiennes et de les habiller avec des gestes mélodiques tirés de la musique d’Ebādi, une technique que l’on appelle la modélisation.

À mon retour en France, l’interprète et moi avons continué à nous rencontrer pour travailler sur mes esquisses. Quelques mesures, quelques notes suffisaient pour passer des heures à essayer et à discuter de la faisabilité de ces extraits. Mais nous allions parfois au-delà de ce qui était prévu sur le papier, en proposant de nouvelles idées qui surgissaient spontanément lors de nos séances de travail. Cette dynamique, nous l’avons entretenue jusqu’à la fin de la composition de l’œuvre, et pendant les répétitions, la création, et même l’enregistrement de l’œuvre.

LA DEUXIÈME ÉCOUTE

Cette fois, l’écoute est guidée. Avant de réécouter l’œuvre, je propose de rassembler les notes prises lors de la première écoute afin de comparer leurs impressions initiales avec celles de cette nouvelle écoute.

Avec ce texte, nous essayons d’établir de nouvelles conditions d’écoute. Il est important de se rappeler que c’est le compositeur de la pièce qui écrit ce texte. Ce que je raconte ouvre donc des fenêtres vers une appréciation plus approfondie de la musique. Cependant chaque auditeur doit se sentir libre à avoir sa propre perception. Il s’agit certes d’une histoire rétrospective, mais en rapport direct avec une intention initiale, comprenant les éléments fondamentaux du matériau, du développement rythmique, de la progression de la texture et de la ramification des ornements : architecture, geste, tradition musicale persane et indienne.

La pièce [00:00] commence par une courte introduction avec des sons purement électroniques, créant un espace sonore calme mais tendu, évoquant un événement imminent : un glissando* ascendant de violoncelle [00:32] symbolise une naissance, un élan de départ, un début.

Ensuite, les cycles rythmiques** construits sur des triolets de doubles croches, joués par l’instrument, prennent le relais. On entend clairement des motifs rythmiques de sons harmoniques***, formant un cycle répétitif et spiralé, évoquant la culture musicale indienne. La première apparition est un groupe de 3+2+2+3, que l’on peut reproduire et jouer sur une table.**** Au début, chaque cycle est séparé par un son continu riche et coloré, agrémenté de sons électroniques, suivi d’un glissando de violoncelle [00:39 à 00:48]. La deuxième apparition du cycle est cette fois un groupe de 2+2+2+3. La troisième survient à [01:11], la quatrième à [01:23], etc. Progressivement, les éléments de séparation (son continu et agrémenté) disparaissent, mais les cycles rythmiques persistent, évoluent et construisent une répétition extatique ou une sorte de mantra hypnotique qui, malgré sa répétitivité, représente une progression. À chaque reprise, on constate une évolution dans le contenu et la longueur des cycles et dans la tessiture des sons harmoniques, accompagnée de variations de timbre*. À [01:48], un événement court mais important se produit : un son aigu annonce l’apparition d’une nouvelle cellule à [01:54], jouée par l’instrument. Cette nouvelle cellule évolue et devient plus important à chaque apparition, tout en maintenant un dialogue constant et organique avec les sons électroniques, répondant aux motifs rythmiques du violoncelle.

Élévation : Ces répétitions en spirale évoquent une série d’escaliers en colimaçon, séparés par des paliers éclairés par des fenêtres en vitrail. En suivant les cycles rythmiques, on monte jusqu’au sommet d’une tour imaginaire, tandis que les paliers deviennent de plus en plus vastes. Au climax [04:16], le temps s’arrête. Le nombre de marches se réduit, le mouvement ralentit. Il y a une sorte de suspension [04:18] dans une atmosphère calme et méditative. Les sons électroniques créent une nappe sonore. Les fenêtres, plus grandes, permettent de contempler des paysages lointains : des mélodies avec des sons électroniques. L’espace respire, laissant à l’oreille le temps de savourer tous les matériaux sonores accumulés intensément depuis le début de la pièce. L’escalier est déjà loin derrière. L’espace est plat et propice à la réflexion.

À [04:48], un son continu annonce un nouvel espace. Des sons percussifs apparaissent : la violoncelliste tape sur les cordes** [04:54]. Une pulsation régulière s’installe. Le rapport entre l’électronique et l’instrument reste organique, avec un dialogue constant entre eux. Après cette section pulsée [05:33], le dialogue devient plus dense : une poésie sonore et transcendante, une arabesque chargée de motifs ornementaux. Cette section représente par excellence l’influence du jeu d’Ahmad Ebadi, le fameux joueur de setar. La violoncelliste utilise de nouveaux modes de jeu, pinçant les cordes. Ici, des idées provenant d’une musique purement traditionnelle et non-européenne se déploient dans un espace sonore riche : les sons électroniques, considérés comme vecteurs d’idées musicales, participent au discours musical au même titre que le son instrumental, celui du violoncelle. La tradition devient modernité et la modernité se nourrit d’éléments traditionnels pour une expression musicale neuve. Nous avons déjà quitté le cours rapide du temps pour une balade, une galerie de motifs géométriques à explorer. Les mélodies émergent de l’instrument et des sons électroniques, créant un univers tantôt aquatique, tantôt aérien. On entend la violoncelliste jouer tantôt avec l’archet, tantôt avec ses doigts, produisant un matériel sonore riche et coloré. L’interprète devient sculpteur. Le son devient argile, plâtre, cire, matière apte au modelage.

À [06:32], avec un glissando cette fois descendant du violoncelle, on ressent une transition vers un autre palier. Pourtant, les arabesques sont encore présentes, cette fois dans une ambiance tendue. [06:58] Ce n’était qu’une tension passagère. On retrouve à nouveau la contemplation et le calme, avec les mêmes modes de jeu, c’est-à-dire les sons pincés. À [07:15], l’espace devient plus dynamique avec des bariolages rapides du violoncelle et un son électronique chargé. [07:56] Encore une autre séquence de motifs ornementaux, avant que l’énergie n’augmente [08:29] et que les gestes de bariolage conduisent le discours vers une fin glorieuse.

Conclusion

Dans cette architecture musicale, l’empreinte de la musique indienne et persane prend une nouvelle dimension, au point de faire parfois oublier l’origine de ces sonorités. N’est-ce pas fascinant de voir comment une démarche unique peut produire un résultat si subjectif que chacun y trouve sa propre histoire ? Je vous ai décrit la pièce à travers des métaphores. Bien que les images et l’espace évoqués par une œuvre dans l'esprit d'un auditeur soient très subjectifs et varient d'une personne à l’autre, la méthode de composition d’une œuvre est unique et peut être abordée de manière objective.






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